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Inflexion, la valeur ajoutée est à vous Bois bocager - Quand préservation rime avec rémunération

Souvent considérée comme un obstacle à la productivité, un archaïsme, une lubie d’écolo, la haie est pourtant aujourd’hui la seule source de bois énergie agricole réellement exploitable. Ainsi, la création de filières spécifiques et la mécanisation des travaux de gestion du bocage, en contribuant à sa sauvegarde, répondent à un double enjeu : valoriser le temps consacré à la préservation de la ressource tout en conservant les bénéfices environnementaux liés à sa présence. Un article extrait de Terre-net Magazine n°10.

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Allier bénéfices écologiques de la haie et intérêts économiques. (© Terre-net Média)
Depuis quelques années, des agriculteurs de Thiérache (région naturelle du Nord de la France) valorisent, via des contrats d’approvisionnement en plaquettes, le bois provenant de l’entretien du bocage. Un bon moyen de concilier autonomie énergétique des exploitations, conservation des paysages et rémunération du travail.

« 100 m de haies de charmes têtards (Ndlr : technique de taille propre à la production de bois de chauffage) produisent, en quinze ans, l’équivalent en plaquettes de 5.600 l de fuel, explique Françoise Gion, directrice de l’Atelier agriculture Avesnois-Thiérache (Aaat), soit une production annuelle d’environ 370 l de fuel à 0,16 € le litre. Plus de 6.000 km linéaires de haies parcourent le pays de Thiérache. La ressource potentielle de la zone se situe entre 35.000 et 38.000 t/an de bois bocager. De quoi alimenter 1.500 chaudières de 50 kW et chauffer jusqu’à 18.000 personnes ! »

Un réseau de pionniers


Trois déchiqueteuses tournent en Thiérarche : une Biber
80 avec grappin, une Fsi 250 et une Biber 5K. (© Aaat)
Françoise Gion précise « qu’en plus du maintien de la haie, favorable à l’écosystème, il s’agit de compenser la charge de travail et le coût de la main-d’oeuvre, liés à son entretien ». Les premières chaudières à bois déchiqueté ont fait leur entrée dans les exploitations en 2001. Fin 2010, l’Aaat recensait 70 chaudières en Thiérache. « L’excédent de bois récolté, au-delà des consommations propres, constituait un stock commercialisable. Le maillage géographiqueque formait le réseau des pionniers permettait de couvrir la région. D’où l’idée d’installer des plates-formes logistiques chez ces agriculteurs, pour une gestion collective du disponible de plaquettes. »

 

L’association s’occupe de centraliser les contrats et de faire le lien entre les clients et les agriculteurs. Ces derniers assurent la livraison des plaquettes dans un rayon de 15-20 km. Pour les trajets plus longs, l’Aaat fait appel à un transporteur. « Des contrats ont été signés pour dix chaufferies avec des particuliers, des associations, une école et une mairie. »

Retour sur investissement en 7 à 10 ans


L'hiver dernier, l'Aaat a commercialisé 1.150 m3 de
plaquettes sur 2.500 m3 disponibles à la vente. (© Aaat)
Le prix de vente départ ferme s’élève à 25 €/m3 HT (environ 100 €/t auxquels il faut ajouter les coûts de transport). « Ce dernier tient compte de la valeur du bois sur pied, des frais de stockage, du temps de chargement… Tous ces paramètres sont intégrés pour que soient valorisés le bois mais aussi le temps dédié aux travaux bocagers », insiste la directrice de l’atelier.

 Chaque année, Jean-Pierre Millet (lire l’encadré "Initiative") tire, d’1/15ème de ses haies (un passage tous les quinze ans), 200 à 220 m3 de plaquettes. 70 à 80 m3 sont autoconsommés, le supplément de plaquettes étant vendu, après six mois de séchage, 23,50 €/m3 départ ferme. « Le prix inclut les frais de main-d’oeuvre, 10-15 € pour le déchiquetage et 3-4 € pour le stockage. Au moins, le temps mobilisé par cette activité est bien rémunéré. » La vente de plaquettes et les économies en bois de chauffage couvrent l’achat de la chaudière avec un retour sur investissement estimé entre 7 et 10 ans, pour une durée de vie de l’installation comprise entre 20 et 25 ans.


Le parc de chaudières a consommé, l'hiver dernier, 1.515 t de
plaquettes issues de l'entretien de 250 km de haies. (© Aaat)

Initiative : Jean-Pierre Millet, éleveur dans l’Aisne : « Raser ou évoluer »


(© DR)
Les 55 ha de Sau de Jean-Pierre Millet, éleveur de vaches laitières à Bergues-sur-Sambre, totalisent 5 km de haies. « En 2000, je travaillais à la tronçonneuse, façonnais mes bûches au champ et brûlais les fines branches, qui représentent 30 à 40 % de la biomasse. La vente du surplus ne rétribuait le temps passé qu’à 80 % du Smic. »

Deux options s’offrent alors à lui : raser ou évoluer. « Lors d’une démonstration, je découvre le déchiquetage mécanisé et décide de me lancer dans cette activité. En 2004, après montage du dossier et collecte de fonds, ma Cuma achète une déchiqueteuse. Deux ans plus tard, je remplace ma chaudière à bois par un modèle à bois déchiqueté pour le chauffage de la maison, de la salle de traite et de l’eau sanitaire (laiterie et habitation). »

L’éleveur évoque l’aspect "développement durable" au sens large de cette évolution. « J’allie, grâce à une démarche cohérente, bénéfices écologiques de la haie et intérêts économiques. » La mécanisation fait gagner du temps et augmente en plus le rendement calorifique du bois bocager. « Pour une même production de chaleur, la chaudière à bois déchiqueté nécessite moins de matière et la déchiqueteuse ne laisse rien sur la parcelle. »


Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°10

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